N'ayant pas encore répondu aux questions ci-dessous, je m'y colle.
En relisant les échanges, je constate avec satisfaction que tout le monde a répondu de façon très pertinente. Bravo à tous!
Qu'est-ce qu'une collection ? Doit-elle être exhaustive et est-elle figée ?
Je vois la collection
intelligente comme l'ensemble des objets d'une passion et certainement pas - comme l'a bien souligné Wonder B - comme la discographie intégrale de tel ou tel artiste ou genre musical. Par exemple, je suis un fan transi de James Brown mais je ne cherche pas à acquérir tous ses disques. Il faut que ça me plaise un minimum. En clair, un disque n'est pas un objet de décoration ou un trophée de chasse mais bel et bien un objet presque vivant avec lequel on a une relation charnelle et esthétique, comme beaucoup l'ont très bien expliqué. La collection n'est donc ni exhaustive ni figée.
Quel en est l’intérêt principal ?
La réponse ne peut être que subjective, chacun ayant des motivations cachées diverses. Dans mon cas, je ne vais pas cacher que c'est, outre une manière d'assouvir ma passion pour le funk, une façon de me réaliser, de me sentir exister. Rentrer un disque recherché procure, même si c'est fugace, un sentiment de plénitude (voire de puissance si l'on scrute l'inconscient).
Pourquoi vouloir posséder ? Est-ce que la notion de possession à outrance ne l'emporte pas sur le but initial d'écouter de la musique ?
La première partie de la question rejoint la précédente.
La deuxième partie (sur la possession à outrance), c'est l'écueil à éviter... et que l'on n'arrive pas tous à éviter
Mais nous avons une circonstance atténuante : la richesse du funk et de la soul, le nombre incalculable de merveilles cachées mais aussi d'indispensables classiques.
Cela dit, pour ouvrir un débat autocritique, je dirai que cette notion de possession à outrance est ce qui me gêne le plus chez nous puisqu'elle peut conduire à des attitudes peu reluisantes : égoïsme forcené, voracité sans limite, vanité, jalousie, mégalomanie délirante ou l'inverse, à savoir l'indifférence (de façade) ou l'attitude désabusée, là aussi feinte, devant un graal inaccessible...
Car c'est là le principal danger qui guette les collectionneurs : leur besoin maladif d'avoir et de posséder tout ce qu'ils aiment, et donc l'agacement qui en découle lorsqu'ils ne le peuvent pas. On peut en arriver à refuser d'écouter quelque chose car on sait qu'on ne pourra pas l'acquérir. "Je ne peux pas l'avoir, donc j'écoute pas". C'est limite infantile. C'est du pur déni. On peut même en arriver à rabaisser un truc excellent juste parce qu'on ne peut pas mettre la main dessus.
Pas mal d'entre nous - je lutte moi-même contre ça depuis des années, mais pas toujours avec succès, je l'avoue
- pâlissent de désespoir ou rougeoient d'irritation quand ils découvrent une merveille dont ils savent qu'ils ne pourront pas se la procurer de sitôt. En gros, ils se fâchent presque au lieu d'être ravis de découvrir du nouveau. Dans un monde parfait, nous devrions plutôt nous émerveiller comme des gamins, mais le monde et nous autres homo funkus ne sommes pas parfaits...
À nous d'apprendre à dompter notre passion pour qu'elle ne tourne pas à l'aveuglement et à l'obsession maladive. Il s'agit de prendre de la hauteur, de se dire :
- face à la merveille introuvable dont on n'a jamais entendu parler, "allez, note le truc et compte sur la chance ou une réédition pour mettre la main dessus" (Et puis on élargit ainsi notre savoir à défaut de notre collection).
- face au pote qui a chopé pour des clopinettes un disque qu'on cherche depuis des lustres : "Sois content pour lui, ton tour viendra, tu en as chopé d'autres".
En somme, il nous faut apprendre - en tout cas je parle pour moi qui suis compulsif et monomaniaque - à retrouver une certaine "innocence" et un peu d'humilité, c'est peut-être la meilleure façon de parvenir à goûter vraiment notre passion, à s'en délecter sereinement au lieu de la laisser nous dévorer tout cru et pourrir même nos rapports avec le monde et nos proches. Bref,
réapprendre à s'émerveiller. Je dis ça mais je n'y arrive pas toujours, je retombe parfois dans la bouderie du collectionneur frustré et jouant les désabusés - et ce n'est pas bien.
La collection de disques ne rentre-t-elle pas dans les logiques consuméristes modernes ?
Bluesy a donné la bonne réponse : le disque de collection n'est pas un objet jetable. Donc on échappe a priori à cette détestable logique de notre temps.