The Main Ingredient – Euphrates River
Posté : 18 oct. 2011 22:58
L'ANGE SOUL A LA FENETRE DE L'ORIENT
The Main Ingredient – Euphrates River (RCA Victor APL1-0335, 1974)
Le soleil était à son zénith, quand le sirocco du désert s'arrêta de gémir.
Norbert De Coteaux (d'origine français, avec du sang bleu venant de la lointaine Poméranie), affalé sur sa chaise pliante Hollywood avec "DIRECTOR" imprimé entre deux étoiles, près de lui un Phonographe Pathé "Jour Nuit" doté d'un pavillon gigantesque comme une trompe se finissant en une vaste fleur de liseron, fixait l'horizon du désert, seul, avec ses yeux ensablés.
Le vide sidéral, tel une chape de plomb brûlante, emplissait le paysage des dunes aux mille mamelons dressés.
Norbert posa avec précaution le saphir du phonographe sur le microsillon qui tournait sur son axe.
L'histoire d'"Euphrates River" pouvait commencer ...
Le son aigrelet d'une guitare folk aux couleurs d'Orient s'éleva des dunes, accompagné d'une flûte enchantée sortie tout droit d'un fabliau moyenâgeux, la voix narrative - "Yesterday ..." -, posée sur un thème répétitif et lancinant, imprégnait l'horizon de sa sonorité chaude, propulsée par des violons inquiets à sa gauche, une batterie sèche à l'opposé, et poussée immanquablement par derrière par des choeurs stéréophoniques.
- "Ce son dans cet espace est magnifique, fou fabuleux à faire tourner en rond une rose des vents ..." soupira Bert.
Dans l'immensité du désert, au centre de l'image Technicolor, on pouvait percevoir quelques minuscules silhouettes nimbées d'un léger halo lumineux derrière lesquelles se dessinait un nuage de sable dont la forme épousait la queue de la comète Halley.
Par une ellipse diabolique, apparurent en gros plan les membres de Main Ingredient face à un ciel bleu livide, à la seconde où, sur le premier refrain, Cuba G. poussa son chant dans les aigus divins rehaussé par des flûtes aux divines arabesques où il est dit qu'à cet instant l'or coula à flots nappant de sa grâce âmes et paysages.
- "C'est comme du Purcell, je veux que Cuba chante comme si c'etait du Purcell... avec sa voix de cristal..." pria Bert.
Nous prenions de la hauteur avec "Have You Ever Tried It", voyage en montgolfière balloté par un groove d'enfer, dévalant à une vitesse vertigineuse vers les grandes étendues de sable, subissant la force des cordes souveraines. Des milliers d'images se projetaient devant nous, défilaient à une telle vitesse que nous en sortîmes complètement grisés; et lorsque le refrain commença et sublima la mélodie nous nous abandonnâmes alors corps et âmes à cette trajectoire... pour atterrir non loin d'une oasis.
Le soir tombait sur l'oasis de "Summer Breeze".
La harpe gouttelait en arpèges délicats, le vibraphone dentelait la nuit commençante de ses touches blanches, les flûtes filaient telles les étoiles filantes et les percussions se cristallisaient dans des teintes violettes. Tout concourait pour que les âmes en peine rejoignent ce havre de paix et se réchauffent à ses lumières, même si, de temps à autre, des rugissements de tigre sous la forme d'échos suspendaient le vol des oiseaux.
- "Walter Rodgers nous a peint deux pochettes terrific, il faut que notre musique s'en inspire ..." nota Bert.
Un papillon jaune au liseré vert s'échappant d'un soleil rougeoyant à portée de main d'une indigène brune, sensuelle et lascive aux seins ronds comme les dunes.
- "C'est exactement çà ..." confirma Bert.
Dans cette féérie de sons et de lumières, à la surface de l'eau lunaire miroitait l'image du falsetto Purcellien de Cuba G. communiant avec une flûte échappée d'un concerto pour orchestre Mozartien oublié sous le regard énamouré des indigènes.
Les feux éteints, la nuit reprit tous ses droits. C'est le moment où les rêves s'échappent, c'était le moment de "California My Way".
Des guitares légèrement wah wah traçaient la route au delà des dunes sous une nuit étoilée avec comme seul invité le choeur des anges et comme seule destination Hollywood.
Plus on avançait plus la tension montait, la liberté était elle inabordable , le rêve inaccessible ?
- "Hollywood c'est pas mon rêve, c"est celui des autres .. moi ce serait plutôt les rives de l'Euphrate..." se confia Bert.
La cadillac blanche et rutilante filait sur l'asphalte gris entre les lèvres du désert; des fenêtres ouvertes s'élevaient des choeurs suaves "Yes I do..." et des trompettes Bacharach mais aussi des choeurs aux cris putassiers de "Hollywood..." comme un gros nuage noir au dessus d'eux et qui les suivait, sans fin... jusqu'à un tunnel sous les dunes.
Changement de décor pour "Hapiness Is Just Around The Bend" : basses profondes, synthés gras, des pas hésitants dans les profondeurs, des voix aux échos funèbres répercutés sur les paroisses du tunnel, l'arrivée du vaisseau sous-désertique "Saksaoul" qui devait nous conduire au royaume de Shambhala sous le désert de l'Asie intérieure. Aux sons des "Get Up" victorieux, d'une rythmique métronomique, véritable bulldozer, nous entrâmes dans les entrailles de la terre et nous vîmes défiler à travers les hublots de la frégate "des dômes et des minarets, des arches à colonnes, des statues, des balustrades délicatement filigranées, des tours sans fenêtres, des ruines portant la trace de combats anciens et modernes". Nous étions à la merci d'un mirage comme si le royaume de Shambhala, annoncé par des flûtes princières et des violons magiciens, pouvait surgir au détour du moindre chemin.
- "C'était tellement fou que j'ai du fermer les yeux ... " s'écria Bert.
Quand il les ré-ouvrit, ils se retrouvèrent tous à l'air libre, libres comme l'air.
La harpe jouait l'éclosion d'une aurore en une constellation de sons cristallins, la voix unique de Cuba G., une prière surgit d'entre les morts, invoqua la pluie dans "Looks Like Rain"; celle-ci se manifesta aussitôt, amenée par les volutes de flûtes mutines. Quant aux violons, ils faisaient briller la pluie comme une cascade de diamants.
- "C'était magique, mais nous n'avions encore rien vu... " songea Bert, car au moment même où la pluie s'effaça les jardins suspendus de Babylone apparurent...
Les flots indomptables de l'Euphrate se jetaient sur des murs hauts comme des forteresses au dessus desquels furent construites des terrasses pliant sous le poids des grands arbres - pins et cèdres - dans les niveaux inférieurs; et on atteignait le sommet par un grand escalier aux mille marches où fleurissaient les plus belles roses d'Orient. La voix chaude et lyrique de Cuba G. sur "Don't You Worry 'Bout A Thing" nous embaumait de son parfum capiteux, le groove était primesautier, les violons espiègles : nous buvions le bonheur à grandes goulées.
- "Cette vision féerique, ces images merveilleuses ... il n'y avait qu'un aveugle pour nous les faire ressentir..." pensa Bert.
Puis tout s'effaça peu à peu, le merveilleux partit en poussière, il resta un homme seul, seul avec son phonographe au pavillon gigantesque, le saphir creusant le sillon sur "Just Don't Want To Be Lonely" aux guitares fuzz et aux choeurs suppliants. Les images de sa vie défilèrent, ses rêves d'Orient s'étiolèrent...
Maintenant le microsillon tournait dans le vide, la tête penchée, la main ensablée, les yeux injectés de sang sur des dents jaunes, tout était inanimé sauf le craquement du saphir qui résonnait dans l'espace désertique.
Une tempête de sable s'annonçait à l'horizon.
"Et Bert ... réveille toi ! Y'a Cuba qui n'arrive pas à chanter sur ton putain d'arrangement, il le trouve, comment dire, pas assez funky, un peu too much comme le p'tit génie du 18ème siècle, tu sais le mec qu'est mort dans une fosse commune..."
Note: 6 stars / 6
Tracklist
A1 Euphrates 4:44
A2 Have You Ever Tried It 3:06
A3 Summer Breeze 4:16
A4 California My Way 4:36
B1 Happiness Is Just Around The Bend 6:20
B2 Looks Like Rain 3:17
B3 Don't You Worry 'Bout A Thing 4:04
B4 Just Don't Want To Be Lonely 3:32
Credits
Arranged By, Conductor – Bert De Coteaux
Art Direction – Acy Lehman
Artwork By [Artist] – Walter Rogers
Engineer [Mix] – Tom Brown Jr.
Engineer [Recording] – Dick Baxter
Producer – Gooding, Simmons, Silvester
Euphrates :
Have You Ever Tried It :
Summer Breeze :
California My Way :
Happiness Is Just Around The Bend :
Looks Like Rain :
Don't You Worry 'Bout A Thing :
Just Don't Want To Be Lonely :
Bonus : Let me prove my love to you :
The Main Ingredient – Euphrates River (RCA Victor APL1-0335, 1974)
Le soleil était à son zénith, quand le sirocco du désert s'arrêta de gémir.
Norbert De Coteaux (d'origine français, avec du sang bleu venant de la lointaine Poméranie), affalé sur sa chaise pliante Hollywood avec "DIRECTOR" imprimé entre deux étoiles, près de lui un Phonographe Pathé "Jour Nuit" doté d'un pavillon gigantesque comme une trompe se finissant en une vaste fleur de liseron, fixait l'horizon du désert, seul, avec ses yeux ensablés.
Le vide sidéral, tel une chape de plomb brûlante, emplissait le paysage des dunes aux mille mamelons dressés.
Norbert posa avec précaution le saphir du phonographe sur le microsillon qui tournait sur son axe.
L'histoire d'"Euphrates River" pouvait commencer ...
Le son aigrelet d'une guitare folk aux couleurs d'Orient s'éleva des dunes, accompagné d'une flûte enchantée sortie tout droit d'un fabliau moyenâgeux, la voix narrative - "Yesterday ..." -, posée sur un thème répétitif et lancinant, imprégnait l'horizon de sa sonorité chaude, propulsée par des violons inquiets à sa gauche, une batterie sèche à l'opposé, et poussée immanquablement par derrière par des choeurs stéréophoniques.
- "Ce son dans cet espace est magnifique, fou fabuleux à faire tourner en rond une rose des vents ..." soupira Bert.
Dans l'immensité du désert, au centre de l'image Technicolor, on pouvait percevoir quelques minuscules silhouettes nimbées d'un léger halo lumineux derrière lesquelles se dessinait un nuage de sable dont la forme épousait la queue de la comète Halley.
Par une ellipse diabolique, apparurent en gros plan les membres de Main Ingredient face à un ciel bleu livide, à la seconde où, sur le premier refrain, Cuba G. poussa son chant dans les aigus divins rehaussé par des flûtes aux divines arabesques où il est dit qu'à cet instant l'or coula à flots nappant de sa grâce âmes et paysages.
- "C'est comme du Purcell, je veux que Cuba chante comme si c'etait du Purcell... avec sa voix de cristal..." pria Bert.
Nous prenions de la hauteur avec "Have You Ever Tried It", voyage en montgolfière balloté par un groove d'enfer, dévalant à une vitesse vertigineuse vers les grandes étendues de sable, subissant la force des cordes souveraines. Des milliers d'images se projetaient devant nous, défilaient à une telle vitesse que nous en sortîmes complètement grisés; et lorsque le refrain commença et sublima la mélodie nous nous abandonnâmes alors corps et âmes à cette trajectoire... pour atterrir non loin d'une oasis.
Le soir tombait sur l'oasis de "Summer Breeze".
La harpe gouttelait en arpèges délicats, le vibraphone dentelait la nuit commençante de ses touches blanches, les flûtes filaient telles les étoiles filantes et les percussions se cristallisaient dans des teintes violettes. Tout concourait pour que les âmes en peine rejoignent ce havre de paix et se réchauffent à ses lumières, même si, de temps à autre, des rugissements de tigre sous la forme d'échos suspendaient le vol des oiseaux.
- "Walter Rodgers nous a peint deux pochettes terrific, il faut que notre musique s'en inspire ..." nota Bert.
Un papillon jaune au liseré vert s'échappant d'un soleil rougeoyant à portée de main d'une indigène brune, sensuelle et lascive aux seins ronds comme les dunes.
- "C'est exactement çà ..." confirma Bert.
Dans cette féérie de sons et de lumières, à la surface de l'eau lunaire miroitait l'image du falsetto Purcellien de Cuba G. communiant avec une flûte échappée d'un concerto pour orchestre Mozartien oublié sous le regard énamouré des indigènes.
Les feux éteints, la nuit reprit tous ses droits. C'est le moment où les rêves s'échappent, c'était le moment de "California My Way".
Des guitares légèrement wah wah traçaient la route au delà des dunes sous une nuit étoilée avec comme seul invité le choeur des anges et comme seule destination Hollywood.
Plus on avançait plus la tension montait, la liberté était elle inabordable , le rêve inaccessible ?
- "Hollywood c'est pas mon rêve, c"est celui des autres .. moi ce serait plutôt les rives de l'Euphrate..." se confia Bert.
La cadillac blanche et rutilante filait sur l'asphalte gris entre les lèvres du désert; des fenêtres ouvertes s'élevaient des choeurs suaves "Yes I do..." et des trompettes Bacharach mais aussi des choeurs aux cris putassiers de "Hollywood..." comme un gros nuage noir au dessus d'eux et qui les suivait, sans fin... jusqu'à un tunnel sous les dunes.
Changement de décor pour "Hapiness Is Just Around The Bend" : basses profondes, synthés gras, des pas hésitants dans les profondeurs, des voix aux échos funèbres répercutés sur les paroisses du tunnel, l'arrivée du vaisseau sous-désertique "Saksaoul" qui devait nous conduire au royaume de Shambhala sous le désert de l'Asie intérieure. Aux sons des "Get Up" victorieux, d'une rythmique métronomique, véritable bulldozer, nous entrâmes dans les entrailles de la terre et nous vîmes défiler à travers les hublots de la frégate "des dômes et des minarets, des arches à colonnes, des statues, des balustrades délicatement filigranées, des tours sans fenêtres, des ruines portant la trace de combats anciens et modernes". Nous étions à la merci d'un mirage comme si le royaume de Shambhala, annoncé par des flûtes princières et des violons magiciens, pouvait surgir au détour du moindre chemin.
- "C'était tellement fou que j'ai du fermer les yeux ... " s'écria Bert.
Quand il les ré-ouvrit, ils se retrouvèrent tous à l'air libre, libres comme l'air.
La harpe jouait l'éclosion d'une aurore en une constellation de sons cristallins, la voix unique de Cuba G., une prière surgit d'entre les morts, invoqua la pluie dans "Looks Like Rain"; celle-ci se manifesta aussitôt, amenée par les volutes de flûtes mutines. Quant aux violons, ils faisaient briller la pluie comme une cascade de diamants.
- "C'était magique, mais nous n'avions encore rien vu... " songea Bert, car au moment même où la pluie s'effaça les jardins suspendus de Babylone apparurent...
Les flots indomptables de l'Euphrate se jetaient sur des murs hauts comme des forteresses au dessus desquels furent construites des terrasses pliant sous le poids des grands arbres - pins et cèdres - dans les niveaux inférieurs; et on atteignait le sommet par un grand escalier aux mille marches où fleurissaient les plus belles roses d'Orient. La voix chaude et lyrique de Cuba G. sur "Don't You Worry 'Bout A Thing" nous embaumait de son parfum capiteux, le groove était primesautier, les violons espiègles : nous buvions le bonheur à grandes goulées.
- "Cette vision féerique, ces images merveilleuses ... il n'y avait qu'un aveugle pour nous les faire ressentir..." pensa Bert.
Puis tout s'effaça peu à peu, le merveilleux partit en poussière, il resta un homme seul, seul avec son phonographe au pavillon gigantesque, le saphir creusant le sillon sur "Just Don't Want To Be Lonely" aux guitares fuzz et aux choeurs suppliants. Les images de sa vie défilèrent, ses rêves d'Orient s'étiolèrent...
Maintenant le microsillon tournait dans le vide, la tête penchée, la main ensablée, les yeux injectés de sang sur des dents jaunes, tout était inanimé sauf le craquement du saphir qui résonnait dans l'espace désertique.
Une tempête de sable s'annonçait à l'horizon.
"Et Bert ... réveille toi ! Y'a Cuba qui n'arrive pas à chanter sur ton putain d'arrangement, il le trouve, comment dire, pas assez funky, un peu too much comme le p'tit génie du 18ème siècle, tu sais le mec qu'est mort dans une fosse commune..."
Note: 6 stars / 6
Tracklist
A1 Euphrates 4:44
A2 Have You Ever Tried It 3:06
A3 Summer Breeze 4:16
A4 California My Way 4:36
B1 Happiness Is Just Around The Bend 6:20
B2 Looks Like Rain 3:17
B3 Don't You Worry 'Bout A Thing 4:04
B4 Just Don't Want To Be Lonely 3:32
Credits
Arranged By, Conductor – Bert De Coteaux
Art Direction – Acy Lehman
Artwork By [Artist] – Walter Rogers
Engineer [Mix] – Tom Brown Jr.
Engineer [Recording] – Dick Baxter
Producer – Gooding, Simmons, Silvester
Euphrates :
Have You Ever Tried It :
Summer Breeze :
California My Way :
Happiness Is Just Around The Bend :
Looks Like Rain :
Don't You Worry 'Bout A Thing :
Just Don't Want To Be Lonely :
Bonus : Let me prove my love to you :