[Article] Une chouette chronique sur JB & Sex Machine

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devantf

[Article] Une chouette chronique sur JB & Sex Machine

Message par devantf »

Est ce l'endroit pour placer un lien vers une chronique plutôt touchante sur la découverte de James Brown?
:question:
Une fois que l'on a épuisé les articles informatifs et ou passionnés, j'adore me plonger dans des présentations davantage personnelles. Elles incitent parfois encore plus à l'écoute.
Evidemment, ici, ce n'est pas l'endroit pour faire découvrir JB et son Sex Machine.
Mais par contre vous faire lire l'anecdote d'un aujourd'hui musicien qui raconte le bonheur qu'il a eu à découvrir notre James à nous, le surnom du Parrain prend ici tout son sens...
;)

http://lifesensationsinmusic.blogspot.c ... chine.html


La voix d’enfant a mué.
La Maitrise s’affole… peu de garçons sont là pour prendre la relève. Les prémisses se font sentir, ça détonne, ça coince, les aigus cristallins ne sortent plus et quand je parle… catastrophe. L'organe précieux est devenu méconnaissable, porté par l'indescriptible sensation qu’un étranger est venu s’inviter au beau milieu de ce que l’on sait ou croit avoir de plus précieux, ses cordes vocales. Derniers enregistrements (Landowski…), dernière tournée /conférence sur la technique vocale, je sèche les cours de technique de Gerda (Hartmann), cette extraordinaire chanteuse spécialiste de la pédagogie vocale et qui sait faire vibrer sur un répertoire de mélodies comme nulle autre, je provoque le courroux de Michel (Piquemal) car cette nouvelle voix me perturbe au point de m’écarter progressivement des chœurs, de réduire mes envolées vocales au plus strict minimum, je déçois fortement par ce comportement celle qui avait mis tant d’espoirs en moi, Monique (Verdier) qui malgré des moments de discussion ne parviendra pas à me faire accepter de continuer. Je quitte donc la Maitrise dès mon entrée en 4e.

Pourtant, je sais lui devoir tant, à cette Maitrise de l’ORTF.
Formation impeccable et implacable, techniques vocales et musicales toujours à la pointe de la pédagogie, années de plongée au cœur de la musique, expériences de vie uniques (Opéra Garnier, Théâtres Parisiens, enregistrement à l’Ortf, émissions télévisées, Concerts, créations contemporaines – La vague et le Goéland, Les enfants à Bethléem de Pierné…, tournées…), un emploi du temps avec enseignement général le matin et musique tous les am…
Puis l’indépendance du gamin propulsé dès 10 ans dans le métro parisien, les visites de musées, expos, l’extraordinaire contact humain de ce milieu artistique, mais aussi la prise de conscience professionnelle dès le plus jeune âge de celui-ci, au sein duquel il faut toujours faire ses preuves…
Cet amalgame inscrit et cumulé dans peu d’années est encore là.

Il faudra pourtant trouver autre chose, différent, mais transitoire avant d’imaginer retourner dans un collège à l’emploi du temps, à l’enseignement plus traditionnel.

Sucy en Brie, juste à côté de Chennevières sur Marne vient d’ouvrir un « collège expérimental » au sein duquel une équipe d’enseignants accepte le jeu d’un nouveau critère de fonctionnement, que ce soit par les modes d’apprentissage ou les technologies pour les mettre en application. Cette alternative parait providentielle à mes parents et j’entre en classe de quatrième dans ledit collège.

Ce fut forcément radical.
Ce nouvel environnement, ce milieu est tout, sauf artistique…
Qui plus est, habitué à évoluer dans un milieu essentiellement féminin, je me retrouve avec l’obligation de m’affirmer, poings à l’appui selon les cas, pour faire ma place.
De là, milieu urbain de banlieue oblige viendra mon caractère battant, qui affronte, qui ose et surtout va à l’avant de (y compris des ennuis…), qui provoque, aussi.
En quelques bagarres* bien trempées et convocations chez le proviseur en bonus, j’assure ma tranquillité, ma place dans cet établissement à la réputation peu engageante, mais qui reste un excellent souvenir pour une transition scolaire qui ne s’est pas faite forcément, comme l’espérait mes parents, en douceur…

Les cours sont pour le moins originaux et posent un concept inhabituel, mais qui fera du chemin pour ma future carrière de pédagogue. Tout est, là, mis en applications concrètes. Les cours de français sont captivants et, pour moi qui était déjà un mordu de lecture, longs voyages en métro oblige, ils revêtent un intérêt particulier.
On y lit « Sherlock Holmes », « Topaze », des bande dessinées, de la SF et mieux, on dispose d’un studio de cinématographie hyper high tech pour filmer et mettre en scène des adaptations issues des lectures. J’y passe des heures, je deviens metteur en scène nommé par l’équipe des ados(lescentes)… Je compose et joue les supports audios sur des petits synthés venus du club musique (moogs), de la salle de cours de musique menée par un prof, vraiment pas comme les autres.

L’homme** dont le nom m’échappe est fascinant et a posé la flute à bec dans les placards.
Au milieu de sa salle il y une batterie, des claviers, basse, guitares électriques… Le sol est jonché de jacks.
Il est trompettiste et nous explique que le son de la voix est la personnalité transcrite dans le son de l’instrument, démonstrations à l’appui. Il nous fait écouter Armstrong, chante en l’imitant et par là il fait s’imprimer au fond de ma tête cette sonorité, cette humanité, cette expression si remarquable de l’artiste.

Puis, un beau jour, il arrive avec un album avec sur la pochette une sorte de champion de boxe… on y lit, non sans les fous rires et autres vannes de potaches : « SEX MACHINE »… tout un programme !
Il pose, certain de faire mouche et se délectant d’avance du résultat auprès de sa désormais foule d’élève admirateurs, le saphir sur le disque : « The Staaaar of the show, hard workin’, Mr Dynamite, Jaaaaaaaaaaames Broown ! ». Souvenir précis de cette voix nerveuse qui enchaine, à laquelle répondent public, musiciens puis, « One – two – three- four »… Vous connaissez tous la suite. Moi aussi.

Je crois qu’on s’est fait tout l’album, et refait sans cesse, qu’on allait aux interclasses lui demander de nous le mettre, qu’on s’est mis aux instruments pour jouer ce "Sex Machine". Lui, prenant sa trompette et improvisant avec nous.

L’année suivante, j’avais changé de collège, l’éducation expérimentale avait mis mes parents dans un état de colère inexprimable.
J’étais devenu en une année un ado définitivement rebelle, adorateur de rock (encore plus qu'avant). Je passais des jeudis après-midi à "zoner" dans les rues des cités de Sucy et alentours, me faisant trainer par un copain, accroché à son épaule, lui, sur la mobylette de son père, piquée pour l’occasion, moi, enivré de vitesse. Il m’arrivait aussi de conduire la précieuse bleue ou d’être le passager du porte bagage. On participait à quelques règlements de comptes de bandes du collège, on était attendus dans toutes les boums d’anniversaire, car on arrivait avec « des bons disques »… Changement radical, pour sûr.

James Brown ne faisait pourtant pas partie des musiques que nous écoutions. Bowie commençait à être en liste ("Alladin Sane » et son « Jean Genie »), le Floyd avait pris une place prépondérante (mon oncle m’avait offert « Meddle » et « Dark Side »), Led Zep et son «Stairway to Heaven» faisait choisir la fille rêvée pour un slow de quasi 10 mn (et plus si affinités) et Deep Purple, toujours « Smoke on the Water » en tête faisait secouer les tignasses en cadence.
Un article d’un des premiers best (ou Extra) m’avait même fait mettre carrément de côté cet artiste – le chroniqueur s'ingéniait à ridiculiser ouvertement James B, racontant son dernier concert parisien en ponctuant régulièrement sa prose de « han-han-han » infinis, rendant la lecture de l’article insupportable et du coup, faisant rendre la musique de James Brown similaire à cette image.
Je ne sais pourquoi mais s’il est un article qui à l’époque m’avait perturbé, voir choqué, c’est bien celui-ci. Que pouvait avoir donc fait un artiste pour être traité de la sorte ? Cet article, que je relus par la suite m'avait interpellé sur le pouvoir exagéré des chroniqueurs de revues musicales.***

James Brown : Sex machine - james brown-say it loud - écoute gratuite et téléchargement
Get Up I Feel Like Being A Sex Machine - James Brown | http://www.deezer.com

Quoi qu’il en soit, ce live funky est des plus jubilatoires.
La longue version de « Sex machine », imperturbable, ne peut laisser les pieds et/ou le corps immobiles – les cuivres, ponctués de cris de « Brother Rapp » (Rapp – 1970, l’album…), hypnotiques et leur fameux éternel "bridge Brownien", ce pont qui explose – le rapide 12/8 de « Bewildered » et ses cuivres purement rythm’n’blues, ponctués de breaks de batterie – Babe Babe Babe qui ouvre le démentiel « I got the feeling » - les cocottes soutenues par l’hammond de « Give it up or turnit to loose», ponctuées de cuivres directement issus du «So What» de Miles (si, si) – l’intro déjantée en breaks de « I don’t want nobody » suivie de ces sax répétitifs – « Licking Stick » speed à souhait – puis le maitre s’offre une petite pause vocale et scénique laissant son groupe poser des pépites jazzy / funky qui feraient pâlir les accros d’acid jazz : « Lowdown popcorn » porté par un hammond piquant et « Spinnin’ Wheel » issu du répertoire de BST, posé au fond du temps, interprétation black, laidback à souhait – « if i Ruled the world », nous prouve que James connait les standards (Reprise de ce titre sur le récent « Duets » de Tony Bennett) et sait « crooner » - et... c’est reparti ! « There was a time », virtuosité, l’hypnose funk est de retour, Mr Dynamite revient de sa pause, il va nous achever en beauté – pour ce faire il passera par son tube obligato « It’s a man’s man’s man’s world » débarrassé ici de ses violonades, roots à faire rugir de plaisir, tous cuivres devant, mise en scène de prêcheur sensible à l’appui – « Please, Please, don’t go… I love you so ! » si après ça elle part, c’est qu’elle n’a rien pigé ! Le guitariste s’affole avec ses triolets, les choristes n’en peuvent plus, le public est en transe, le bassiste s’accroche à la batterie en tatatas tatatas massifs, notre chauffeur de salle revient, c’est bientôt la fin… du show… j’en transpire, rien que de l’écrire – « I can’t stand myself » au bord de l’épuisement met le band sur ses dernières réserves, les cuivres se re-concentrent, la partie est dure et ça transite d’un coup sur « Mother Popcorn » ultime rap avant l’heure, la cocotte renvoie à sex machine, les pêches des cuivres s’imbriquent dans le funk, le pont encore une fois fédérateur propulse Jaaaaames en cris suraigus, habité par cette énergie intemporelle, cette machine à danser, à groover, exubérante, le public crie, Jaaames doit faire ici son grand écart, récupérer à la volée son pied de micro, il est en sueur, interpelle son brother Macéo, « come in, brother ». Se décidant enfin, l’altiste, sort de la section pour un solo qui ondule autour du groove, épuisé, tirant les dernières ressources de son alto chauffé au fer rouge de ce concert unique, indispensable, essentiel, fédérateur, jubilatoire, encore une fois, brûlant, géantissime…

Essoufflant.
Époustouflant.



Thank U James… Thank U Macéo… The "Life on Planet Groove" est une réalité. Elle est venue sur terre grâce à vous.




*Cette année-là le professeur d’Allemand avait été attendu en sortie du collège par une de ces bandes collégiennes qui l’avait « tabassé » lui faisant faire un bon mois et demi d’hôpital (on était en 1973 et on ne parlait pourtant pas encore de violence dans les banlieues, de la violence dans les établissements scolaires, comme un phénomène nouveau de société…)
**L’année suivante, je retrouvais ce professeur qui avait acheté un appartement dans un immeuble voisin au mien et je découvris qu’il était le trompettiste d’un groupe français de dixieland, célèbre : « Les Haricots Rouges ». Il parlait souvent de jazz et d’Armstrong avec mon père et se renseignait sur mes progrès en musique.
*** Toujours le même constat vis-à-vis de ces chroniqueurs de revues dites spécialisées, qui sont capable, au gré d’une humeur, d’un avis subjectif de détruire la carrière d’un artiste sur un pays, un territoire, mais aussi capables par le biais d’une lecture d’avoir une influence énorme sur les jeunes lecteurs. L’un d’eux, Hervé Picard avait main mise dans best sur le Rock dit Prog et pouvait sur un simple entrefilet détruire la tournée, la popularité d’un groupe, ou en encenser un autre. Ceci dit, aujourd’hui on pèse ses mots (parfois trop et certaines « critiques » se transforment en catalogue d’écoute de morceau, aussi aseptisées que possible), on intellectualise à outrance (Inrocks), on s’esbaudie devant une guitare saturée (Rock’n’Folk), on parle d’antan (et on finit par deux lignes sur le présent de l’artiste en question) et de temps à autre, un Eudeline nous tombe une vraie chronique. Les musiciens n’aiment pas les rock critics, c’est légendaire… On peut le comprendre aisément.


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bluesy

Une chouette chronique sur JB & Sex Machine

Message par bluesy »

Très belle prose et on vit via son écrit son parcours, et quelques bons moments lors de la présentation des titres de l'album de JB. J'ai énormément apprécié ses petites notes en bas de page, et son avis sur les journalistes artistiques. :cool:
Comme tu le dis c'est encore mieux quand une personne éveille l'envie de découvrir un artiste, album, ou autre. Ressentir la passion, l'énergie, les vibrations...
"Music Makes You Move" : Funkhouse Express (1974) so... "HIT THAT ONE!" : JB
"They Call Us Wild But We Got Soul" : Wild Magnolias (1975)
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devantf

Une chouette chronique sur JB & Sex Machine

Message par devantf »

... Et, sans en connaitre suffisamment pour généraliser, un musicien qui arrive à concilier le plaisir d'écoute et une oreille davantage professionnelle est agréable.
Je connais un copain qui joue de la guitare mais qui a fini par n'écouter l'instrument qu'en rapport à la difficulté ou à l'originalité d’exécution. Du coup il te largue assez vite.
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bluesy

Une chouette chronique sur JB & Sex Machine

Message par bluesy »

devantf a écrit :Je connais un copain qui joue de la guitare mais qui a fini pas n'écouter l'instrument qu'en rapport à la difficulté ou à l'originalité d’exécution.
C'est ce qui m'a toujours "freinée" dans l'apprentissage d'un instrument. Je me suis toujours dit que trop maitriser pourrait m'enlever ce plaisir "brut" que j'ai du son. Je me trompe certainement, mais j'aime ne pas bloquer sur une note qui serait fausse, je veux l'émotion, le feeling sans arriver à tout "contrôler" dans mon écoute.
Et pourtant, je trouve passionnant ce pianiste que l'on voit sur France 2 : on est certes dans le domaine du classique, jazz mais il arrive à rendre l'écoute, l'analyse passionnante.
Mon instrument de prédilection était justement la gratte et je comprends complètement ce que tu dis de cet ami, cela doit être un pied total cette maîtrise, cette oreille.
"Music Makes You Move" : Funkhouse Express (1974) so... "HIT THAT ONE!" : JB
"They Call Us Wild But We Got Soul" : Wild Magnolias (1975)
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in the jungle groove

Une chouette chronique sur JB & Sex Machine

Message par in the jungle groove »

bluesy a écrit : Et pourtant, je trouve passionnant ce pianiste que l'on voit sur France 2 : on est certes dans le domaine du classique, jazz mais il arrive à rendre l'écoute, l'analyse passionnante.
c'est Jean François Zygel et sa boite à musique, je pense. Terrible cette émission, pourtant le classique c'est pas mon truc du tout... Un super pédagogue.
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Wonder B

Une chouette chronique sur JB & Sex Machine

Message par Wonder B »

JF Zygel te ferais aimer tout... Ce type est juste extraordinaire. Il arrive à te passionner en te parlant de trucs super pointus, ou en te décryptant deux mesures perdues au fond d'une énorme partition qui ont selon lui changé des pans entiers de la musique.
Sa facilité de musicien virtuose associée à son discours incroyablement clair font que je ne le rate jamais si j'ai la possibilité de le voir.
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