The Dramatics - Whatcha See Is Whatcha Get (Volt VOS-6018, 1971)
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Titres
A1 Get Up And Get Down 3:10
A2 Thank You For Your Love 4:25
A3 Hot Pants In The Summertime 3:57
A4 Whatcha See Is Whatcha Get 3:56
B1 In The Rain 5:08
B2 (Gimme Some) Good Soul Music 2:35
B3 Fall In Love, Lady Love 4:34
B4 Mary Don't Cha Wanna 3:41
Crédits
The Dramatics
Elbert Wilkins
Larry Demps
Ron Banks
William Howard
Willie Ford
Composition : Tony Hester
Arrangements : Johnny Allen
Production exécutive : Don Davis
Production : Tony Hester
C'est l'histoire d'un homme, Tony Hester, qui se prenait pour le Dorian Gray de la soul, la décadence victorienne, le dandysme huysmanien en moins, remplacés au profit de la violence et de la passion noyées dans la poudre blanche : le parfait décorum d'une ville industrielle des années 70 comme Detroit.
L'objet du délit ne fut pas le portrait de l'artiste mais le groupe The Dramatics qui porta l'effigie et qui poussa le fatum au-delà du pensable.
L'histoire pour Tony se termina brutalement, d'un coup net : le 30 octobre 1980, à 34 ans, il reçut une balle en pleine tête dans une ruelle mal famée et mal éclairée de Detroit. Il fut enterré le 4 novembre au cimetière de Gethsename, sur sa pierre tombale ne figurait pas de date de naissance, seulement la date à laquelle la balle traversa sa cervelle et son nom dont il manquait la lettre "e" sur la deuxième syllabe.
Et pour les Dramatics, il suffit de citer les premières lignes de Wikipedia : "Their members at this time were Ron Banks (who died of a heart attack on March 4, 2010 at age 58), William "Wee Gee" Howard (who died of a heart attack on February 22, 2000 at age 49), Elbert Wilkins (who died of a heart attack on December 13, 1992 at age 45)...". Une vraie malédiction les fauchait, leurs coeurs les lâchaient l'un après l'autre, alors que ce fut bien cet organe qui les symbolisait le mieux : n'ont ils pas démarrés, en 1962, sous le nom des Dynamics ? Sacrée ironie de l'histoire !
Revenons à Tony car cette fin brutale cachait une autre tragédie : s'il n'était pas tombé sous une balle, il aurait été détruit de toute façon par les rails de coke sniffés et les injections d'héroïne. Cette addiction à la came débuta le jour où il devint le mentor des Dramatics. Le début du Pacte.
"As for his looking young, he always looked young" c'était l'image qu'il laissait aux gens qu'il côtoyait. Son coté Dorian Gray. Bien au-delà de sa mort, ce fantasme de beauté éternelle élimina les autres souvenirs au point que Tony devint, pour le reste du monde, un fantôme, un ectoplasme dont on ne connaissait plus véritablement la date de naissance, quand et comment il mourut ? s'il s'appelait bien Hester et non pas Hestor ?
Pour mieux opacifier ce mystère, tel un Thomas Pynchon ou un Salinger, il fut l'homme d'une unique photo, une photo un peu floue le montrant assis au piano, légèrement en retrait, avec les Dramatics sur leur premier album.
Sinon, Tony Hester commença très tôt dans la musique, enregistra dès l'âge de 14 ans, sema quelques 45 tours confidentiels, à droite à gauche, au hasard de ses humeurs, tout en refusant des contrats juteux avec entre autres la Motown et la Golden World.
La rupture consommée avec ses acolytes d'alors, "Popcorn" Wylie et le groupe "The New Holidays", provoqua la rencontre avec Don Davis qui scella définitivement son destin. Don Davis, plus guru que simple producteur, dont l'ambition était de relier Memphis et Detroit par les voies de la soul, le trouva : "a very clean-cut guy, very meticulous, had a style of playing, a gifted lyric", et décida, illico presto, d'un tête à tête avec les Dramatics, toujours à la recherche d'un succès après moult échecs dont le mal nommé "Bingo".
Ce fut fait quelques jours plus tard dans la maison de Tony. Celui-ci leur joua au piano (sa posture favorite) les premières notes de "Whatcha See Is Whatcha Get", Ron Banks le coupa aussitôt : "we need a hit record !", Tony répliqua avec son sourire le plus suave :"but this is a hit record ..." et plus tard dans la soirée il les émerveilla tous avec une version de "In The Rain" pleine d'affects sous son regard d'ange.
Cette nuit-là, personne ne sut ce qu'il s'était réellement passé entre Don Davis et Tony ; toujours est-il que Tony eut carte blanche pour enregistrer le premier album des Dramatics. Imaginez l'incroyable événement pour quelqu'un qui n'avait que quelques babioles à son actif: songwriter et producteur sur tous les titres, plus arrangeur car il s'est avéré que l'officiel et réputé Johnny Allen n'était finalement présent que pour coucher sur papier les arrangements que lui sifflotait Tony.
En retrait, Don Davis surveillait ses brebis. Et bien lui en a pris car le single "Whatcha See Is Whatcha Get" intégra le top 10 au Billboard, et plus d'1 million de disques furent vendus... sans parler de "In The Rain" qui fut leur plus grand succès en atteignant le n°5 au Billboard.
Acte 1 = "Whatcha See Is Whatcha Get" ou la Gloire.
Au lever de rideau un cri glaçant littéralement le sang remplace les célèbres trois coups et annonce une rythmique lourde et funky au-dessus de laquelle survole une envolée de cordes telle des aigles royaux : c'est parti avec "Get Up And Get Down". Morceau rivalisant aisément avec les productions Whitfield pour les Temptations.
La mélodie de "Thank You For Your Love" est divine car elle semble être constituée de chair et de sang : le falsetto fragile de Ron commence par tisser la mélodie avec comme seul contrepoint la guitare gracile, puis secondé par une suite d'instruments - cordes, cors français, flûtes etc... - arrangée de telle façon que nous avons droit à l'explosion en crescendo d'un feu d'artifice de couleurs. Quelle tension ! rivalisant aisément avec les meilleurs productions Gamble & Huff.
"Hot Pants In The Summertime" : une introduction qui te fait instantanément vibrer, suintant la passion sous tous ses pores, engageant un funk lourd pour mieux laisser la voix tétanisante de William "Wee Gee" Howard décoller et tutoyer un refrain magique : cette fusion de funk lourd, de luxuriance des orchestrations, et de mélodies en apnée : c'est la signature de Tony Hester. Mais vous n'avez encore rien entendu ...
"It sounded like a carnival song" comme diraient les Dramatics quand ils ont écouté la première fois "Whatcha See Is Whatcha Get": morceau au refrain collant comme un chewing gum, mid tempo au rythme latin titillé par une guitare fuzz au milieu d'une mare de maraccas, de congas et autres claves. Classique instantané.
Puis arrive le Tour de Force de Tony : "In The Rain".
5 Minutes de bonheur : une pluie d'émotions, un orage de passions.
On n'a jamais entendu de pluie aussi esthétique : aussi proche de soi, te mouillant carrément l'âme.
Orage, coups de tonnerre, une pluie de plus en plus drue tombant de biais à cause de vents mauvais, la guitare de Denis Coffey simulant les éclairs et les échos, le piano égrénant la mélodie en accords mineurs sur la basse ténébreuse de Michael Henderson : décor lyrique avec lequel la voix de William "Wee Gee" Howard va se mesurer, atteignant une intensité stratosphérique, jusqu'à se fondre en lui.
En regard de ce chef-d'oeuvre, les morceaux suivants redeviennent ordinaires, leurs couleurs paraissant ternes, que ce soit le funky et dansant "Gimme Some", mais aussi la ballade à la mélodie fleur bleue "Fall In Love, Lady Love" jusqu'au final "Mary Don't Cha Wanna", très Temptations dans l'orchestration, manifeste pour les drogues (douces) annonçant (par opposition) les grandes orgues anti-drug du prochain album.
Dès leur premier classique, les Dramatics jouèrent dans la cour des grands dans laquelle figure, bien entendu, les Temptations ; d'ailleurs ceux-ci, piqués au vif à l'écoute de cet album, se surpassèrent et enregistrèrent leur Masterpiece All Directions. Quant à Norman Whitfield, il aurait pu trouver un successeur si la carrière de Tony n'avait pas été aussi courte.
Prochain épisode :
Acte 2 = "A Dramatic Experience" ou la Chute.
Note : 5.5 stars /6
Get Up And Get Down:
Thank You For Your Love:
Hot Pants In The Summertime:
Whatcha See Is Whatcha Get:
In The Rain:
(Gimme Some) Good Soul Music:
Fall In Love, Lady Love:
Mary Don't Cha Wanna :