Cette année, pour sa huitième édition, le festival était plus que jamais placé sous le signe du funk, avec bien sûr quelques déclinaisons raw soul, r&b et jazz-funk. Et la présence dans chaque groupe d'un orgue Hammond maintient aussi cette touche soul-jazz chère aux frères Garcia, qui ont encore réussi leur pari : rassembler puristes et grand public pour célébrer un genre musical qui refuse obstinément de mourir, et qui se renouvelle même constamment à travers l'émergence de jeunes groupes.
Cadre enchanteur, météo parfaite, ambiance bon enfant, public bigarré avec une forte proportion de quinquagénaires (qui n'étaient pas parmi les plus sage

), sans oublier les bonnes tables de la place du village où l'on prend des forces en soignant ses papilles.
J'ai retrouvé Fabrice et Stefan Garcia et leur équipe de choc, les habitués du Saint-Paul comme mes amis suisses Samuel et Patrick, l'incontournable Peter Wermelinger, toujours aussi intarissable dès qu'il s'agit de funk (je ne vous dis pas les conversations!) et dont l'inépuisable instinct de digger force le respect. J'ai eu le plaisir de retrouver Fredafunkysoul et Agnès, qui ont eu la riche idée de venir de Paris et avec qui j'ai passé de grands moments (et très bien mangé, merci Fred!). Ajoutez à cela les musiciens et artistes, qu'on croise toute la journée et avec qui on peut taper la discut, prendre un verre ou même dîner le plus naturellement du monde. Bref, je me répète: le Saint-Paul est un festival sans nul autre pareil à bien des égards. Tout est réuni pour que ce soit magique et ça l'est.
Vendredi, après un dîner avec Samuel et Patrick, direction place de la mairie, lieu des concerts, à 30 mètres à peine. Nous sommes accueillis comme il se doit par Stefan qui enfilent les perles aux platines pour un warm up déjà brûlant.
Au menu cette année, des artistes connus et réputés, mais aussi de redoutables apprentis funkers venus quasiment faire leur baptême du feu sur scène, j'ai nommé l'étonnant groupe anglais The Snitch, qui a ouvert les hostilités de façon fracassante. LA révélation de cette édition ! Un funk instru dans la plus pure tradition. Trois premiers titres dévastateurs avec d'invraisemblables bourrasques de cuivres, entre la tornade et le troupeau d'éléphants, et une rythmique remontée sur ressort. En plus ils jouent leur propre répertoire, ce qui n'est pas rien.
Mention spéciale au batteur qui nous a distillé au milieu du concert un solo digne de Clyde Stubblefield avec des breaks à couper le souffle. Ça m'a cisaillé le corps. J'ai pensé très fort à Vincent et aux autres... Comment peuvent-ils rater ça? C'est pas sérieux...
The Snitch nous ont aussi offert un "Gimme Some More" magistralement revisité pour une fin de concert tonitruante. Un groupe à suivre de très près et dont je suis sûr qu'il ne va pas tarder à faire parler de lui sur la scène deep funk.
The Snitch hitting da funk !
Vedette de la soirée, Osaka Monaurail fera le boulot proprement mais sans folie. J'ai connu nos amis nippons plus percutants. Il y a eu quelques longueurs, Ryo prenant toujours un malin plaisir à mimer un James Brown volubile et gouailleur, mais le numéro fonctionne moins, surtout avec un public qui n'y comprend pas grand-chose. Bon, il y a quand même eu un savoureux "Soulful Strut", un "Quicksand" aux petits oignons, un "Hot Pants" de 10 min où j'ai pour le moins remué quand le guitariste rythmique a pris les choses en main et en "rappel" un "Shaft" parfaitement exécuté. Mais on attendait tellement plus d'Osaka que The Snitch leur aura finalement volé la vedette grâce à l'effet de surprise.
Toujours aussi disponible et souriant, Ryo est venu après le concert bavarder avec quelques-uns d'entre nous. Il m'a annoncé une série impressionnante de dates pour cet été en Europe. À l'image de son modèle, c'est un bourreau de travail et il mène se troupes à la baguette. Avant l'entrée en scène, il les passe en revue du regard pour vérifier qu'ils sont impeccables

, comme James le faisait avec ses musiciens. Eux lui portent un respect sans bornes, et ça se voit.
Ryo Nakata, the Boss
Ryo en plein groove pendant que la rythmique envoie du bois
Le lendemain au "château", une maison où se rassemblent les groupes pour déjeuner ou se reposer. Ici The Snitch au grand complet déjeunant avant de prendre la route (à gauche avec la petite barbe, le batteur). À droite, Peter en pleine conversation avec Martha High, à qui il a présenté sa "Bible". Martha était médusée devant la science et la passion de Peter. Qui ne le serait pas ?
Premier concert du soir : les Australiens de Deep Street Soul et leur incroyable chanteuse May Johnston, qu'on invitera à notre table avec Fred et Agnès le lendemain soir. Métis Asiatique - et pas du tout Maori -, May est un phénomène de générosité sur scène et en dehors, avec banane permanente et vitalité à toute épreuve. Et bien sûr, elle est plus qu'à l'aise sur scène, où elle dégage une incroyable énergie.
À l'orgue, celle que le batteur, Augustino, avec qui j'ai pas mal bavardé, juge "la meilleure d'entre nous", Monique Boggia, qui est d'ailleurs prof de musique, tandis que lui est autodidacte (24 ans de pratique) et commence à peine à prendre des cours.
Un set très raw soul ponctué d'une étonnante version funk de "Kick Out The Jams" de MC5 et d'un final en forme de pot pourri de tous les grands titres de funk 70's.
J'ai vu Martha High en concert un nombre incalculable de fois mais FUNKY comme ça, JAMAIS!
Après trois instru de ouf exécutés par des Speedometer très inspirés, la dame arrive, sobre et calme, s'arrête devant le micro, évoque en deux phrases Lyn Collins et envoie sans attendre "Mama Feelgood". L'évidence me saute aux oreilles: c'est l'enfer

. Fabrice me dira plus tard qu'il a eu le même sentiment, on était presque inquiet devant une telle intensité d'entrée de jeu. Au bout d'un moment, je regarde Fred et lui fais observer : "C'est tellement funk que le public ne bouge pas,

". Cueilli à froid. Sauf votre serviteur, qui flottait bien sûr sur le sol, comme possédé.
Le set allait continuer sur le même tempo, rien à voir avec le gig du New Morning il y a quelques mois. Les Speedometer étaient cette fois en fusion, un peu à l'image de leur organiste fou, et Martha pétait la forme, donnant libre cours à son coffre exceptionnel, étalant ses tripes sans jamais faiblir. Hormis "I'd Rather Go Blind", elle n'a pas chanté de balade et a même refait monter la sauce en invitant des gens - dont Fred - sur scène pour un mini concours de danse. Chaud.
La troisième diva du week-end est la délicieuse et non moins explosive Sulene Fleming qui mettra le feu le lendemain accompagnée des Fire Eaters sous l'œil subjugué de Fred (qui a filmé), avant que Eddie Roberts ne vienne mettre tout le monde d'accord avec un set de pur groove non stop, pas même de temps mort entre les morceaux, qui s'enchaînaient les uns derrière les autres comme autant de rafales. Eddie Roberts ira jusqu'à nous administrer une version monstrueuse d'"Afro Strut" des Nite-Liters. Là, Peter me dira, un brin espiègle, "this is the first track I really like". Traduire: c'est du gros funk qui tache.
Et ce n'était pas fini puisqu'il y aura la traditionnelle jam finale avec sept cuivres, des guitaristes de tous les côtés, des organistes qui se relaient, bref un feu d'artifice de sons et de rythmes jusqu'à 2h10 du matin.
Je ne suis pas encore redescendu, et je ne dois pas être le seul. On attend déjà avec impatience la prochaine édition.
L'une des rares améliorations qu'on pourrait apporter - Fabrice m'en a touché un mot car ça le travaille - c'est de pouvoir ajouter des "after" dignes de ce nom (notamment des DJ set), ce qui n'est pas possible en plein air car ça gêne le voisinage. Il faudra nécessairement un lieu fermé. Comme en plus il fait chaud, c'est un casse-tête. Mais si le Saint-Paul arrive à mettre ça sur pied, ça promettrait des nuits de feu vu le degré d'excitation du public en fin de soirée... On en redemande après les concerts, des dancefloor seraient le bienvenu!
Des vidéos ne vont pas tarder à être postées me dit-on, on aura donc l'occasion de revenir sur cette édition car je n'ai pas été exhaustif, loin de là, il y a tellement de choses à dire. Funk is endless...