Le problème dans ton raisonnement c'est qu'il sous-entend qu'il y a une équivalence entre le nombre de téléchargements d'un film ou d'une œuvre en général et le nombre de vente perdues. C'est une hypothèse qui me paraît très discutable.
Je ne compte plus le nombre de DVD que j'ai téléchargé par facilité et que j'avais prévu initialement d'acheter. Oui, moi-même, je l'avoue, sur des adresses qu'on connait tous les deux j'ai fait perdre des ventes aux petits éditeurs.
Et pire, je ne compte plus le nombre de cinéphiles qui m'ont contacté et filé des rencards sur Paris pour des échanges. J'ai systématiquement rencontré à cette occasion des mecs pointus dont la collection consistait à avoir des milliers de films sortis en commerce rippés sur DVD-R. Tu peux me croire, étant dans le milieu, ça m'a bien fait prendre conscience des ravages économiques du download sur le milieu de l'édition. C'est tellement plus facile et vu le prix d'un DVD, on peut comprendre qu'il en soit ainsi.
Je pense au contraire que c'est la disponibilité en téléchargement qui va conduire certains (beaucoup) à downloader et visionner (ou écouter) une œuvre, dont ils se désintéresseraient par ailleurs radicalement, et que de toutes façons il n’achèteraient pas, quand bien même la possibilité de télécharger serait éradiquée.
Pour le dire plus simplement ce n'est pas parce que 1000 personnes téléchargent un film que les même 1000 personnes l’achèteraient s'il n'y avait pas d'autre moyen d'en profiter. Or il est pratiquement impossible d'établir la moindre proportion entre les deux chiffres si on n'a pas d'étude précise.
Ca ne tient pas ton raisonnement, au final si tu télécharges un truc, tu ne l'achètes pas, c'est autant de ventes de perdues. Sur les 1000 gusses qui téléchargent je suis sur qu'il y en a bien 10% qui auraient acheté le DVD en question.
Ce n'est pas le fait qu'un film comme Fox Style soit dispo sur un blog comme BP qui empêche sa réédition en version restaurée. Mais le simple fait qu'une telle entreprise n'est pas rentable, et ne peut pas l'être. Moi je pense qu'il y a peut-être 500 personnes sur la planète que ça intéresse, allez soyons fous 1000 ou 2000. En récupérant 10 euros (ce qui semble beaucoup compte tenu des marges de distribution) par dvd ça fait 20000 euros de CA en étant optimiste, donc ce type de projet ne peut se faire qu'à perte ou être de l'ordre du bénévolat. Et si le téléchargement n'existait pas ça ne changerait absolument rien.
Bien sur qu'un DVD comme Fox Style peut être rentable, le problème principal n'est pas tant qu'il soit rippé en VHS sur un blog, mais surtout qu'il sera rippé à coup sur dans sa version DVD restaurée si quelqu'un prend le risque de le sortir un jour. Ce genre de titre c'est tout à fait le fond de commerce d'éditeurs comme Code Red ou Scorpion Releasing, ils sortent des titres dix fois plus obscurs que ça.
Je vais te donner les chiffres auquels tu n'as pas accès pour que ça te parle un peu plus : en tant que petit éditeur indépendant imagine que tu presses à 2000 exemplaires ton Fox Style (ce qui est déjà un tirage confortable), tu doit en vendre 600 à 700 pour commencer à rentrer dans les frais que tu as investi (hors droits d'auteur, on peut parler par exemple d'un titre tombé dans le domaine public ou d'un Fox Style négocié serré = la spécialité des 2 éditeurs précités). A 900 exemplaires vendus ça commence à être intéressant, à 1200 DVD tu peux être content c'est un titre qui a marché correctement. Quand un petit éditeur retrouve son DVD sur les sites de P2P forcément il a les boules, ce sont des centaines de ventes perdues à l'échelle mondiale car Code Red et Scorpions ne vendent pas qu'aux USA, du fait de la rareté de leurs films.
Tes raisonnements sont complètement faussés par rapport à la réalité du marché de l'édition car tu vois ça avec ta vision d'internaute mais si tu fréquentais un peu plus ce milieu, tu reviendrais sur nombre de tes certitudes libertaires.
Des blax rentables il doit y en avoir 20 à tout casser et pour la plupart ils sont réédités depuis des années, et probablement bien amortis (je ne pense pas par exemple que MGM ait perdu de l'argent avec la collection Soul Cinema, surtout si on ajoute les recettes en PPW, mais là encore il faudrait connaitre les chiffres).
Les Soul Cinema et les Warner qui ont re-pressés ont été hyper rentabilisés c'est vrai mais heureusement en parallèle nombre de petits films ont connus aussi des succès d'édition. Les éditeurs sont très bavards sur le sujet, tous les films blax' qui se sont plantés ce sont qui ont été précédemment piratés à outrance dans des éditions DVD bootlegs, particulièrement tous les publics domain, ce qui avait amené par exemple le boss de Code Red a annuler la sortie de son Black Gestapo restauré et à écourter sa collection Fred Williamson ultra-piratée.
Donc le problème est d'abord lié pour moi à l'étroitesse du marché potentiel, c'est une tout petite niche.
C'est une niche qui jusqu'ici permettait de faire vivre une poignée de petits éditeurs américains indépendants. Plusieurs ont mis la clé sous la porte, Code Red a choisi de se passer de distributeur et de vendre sans intermédiaire en pressant désormais ses films à 600/700 exemplaires, c'est d'ailleurs un de ceux qui annonce clairement sur son blog les pertes qu'il subit à cause du piratage.
Comment ensuite espérer écouler 10 000 dvd d'un film obscur qui n'intéresse de fait que 500 personnes sans une promo béton?
10.000 DVD d'un film obscur, mais enfin soyons sérieux 2 minutes. De qui on parle-là ? Excuse moi par avance mais quand je lis ça c'est la que je me rend compte que tu es complètement à côté de la plaque, les éditeurs qui souffrent du piratage ce ne sont pas les Warner, les MGM, les Universal, le piratage tue les indépendants ceux qui vivent de leur métier en pressant des films rares à 1000/1500 voir 2000 exemplaires grand maximum.
on peut aussi penser que c'est grâce à internet, grâce à ce type de blogs qui rendent dispo des films oscurs en rip de VHS épuisés que des œuvres obscures vont gagner une nouvelle réputation, et que la niche potentielle pour une eventuelle réédition pourra s'accroitre.
Tu penses complètement faux, ce types de blogs a tué le milieu de l'édition indépendante. Tu cites Cinemaggedon, ça tombe bien : tu sais ce qui se passe actuellement sur CG = une soudaine prise de conscience (mais le mal est fait) avec l'arrivée d'une nouvelle règle des 24 mois qui vient d'être mise en place. Devant le désastre du piratage sur le milieu de l'édition DVD, les boss de CG interdisent désormais sur leur site de ripper des DVD sortis en commerce depuis moins de 24 mois.
Parle un peu plus avec les gens dont c'est le gagne pain quotidien, tu verras mieux la réalité du désastre causé par le piratage sur internet.
Oui sur certains titres ils ont fait la même erreur que BP, mais c'était vraiment minoritaire. Sur la caverne tu trouvais des authentiques introuvables, des trucs qu’il est de toute façon suicidaire de rééditer en dvd ou en blu-ray, et la majeure partie des trucs déjà réédités n’étaient pas disponible en vf ou vost.
Encore une fois c'est faux, une grosse partie des films présentés sur ce blog étaient sortis en DVD à l'étranger, en tant que cinéphile pointu je peux te confirmer que ça n'était pas du domaine du "minoritaire". Le problème c'est qu'"Introuvables" voulaient dire "introuvables en France" dans l'esprit des concepteurs de ce blog, alors oui ils se sont fait chier à faire les sous titres français sur les films mais sur des titres payés et restaurés par d'autres, ça reste du vol. Je n'ai rien du tout contre ce blog qui a fait un buzz énorme sur le web mais il a contribué lui aussi à faire du mal au milieu du DVD. En France je te rappelle au passage qu'on a perdu Néo et je ne vais pas te citer tous les éditeurs américains qui ont lâché l'affaire suite au piratage. Le site a fermé, il était clairement hors la loi de par son contenu, on ne sait pas tout mais ce n'est pas un secret dans le milieu qu'il avait quelques ennemis, il y a des gens du métier qui souhaitaient casser la gueule au proprio du blog, pour les raisons que tu peux deviner.
Il paraît qu'il y a des études qui montrent que ceux qui téléchargent le plus sont aussi ceux qui dépensent le plus en biens culturels.
C'est des conneries, c'est une minorité, la majorité des gens qui piratent n'achètent pas les DVD, en tout cas certainement pas ceux qu'ils ont téléchargé.
Pour le reste, je ne vais sûrement pas pleurer sur les déboires des majors de l'industrie du spectacle, qui se complaisent depuis des années dans la médiocrité et le moins disant culturel, et cherchent justifier leur médiocrité en criminalisant l'internaute lambda.
Les majors ne souffrent que dans une moindre mesure du piratage, Warner n'a jamais fait autant de profits que depuis qu'il a lancé le MOD, c'est bien pour ça qu'il continue à éditer des blax' régulièrement (Cool Breeze au mois d'août). Tu peux en revanche pleurer sur les petits éditeurs, c'est eux les vrais victimes du piratage.
En revanche le problème des copié-collés de blogs sur internet, c'est une autre paire de manche, mais là on mélange un peu tout...
C'était pour bien faire comprendre que pour le domaine des écrits c'est le même principe. Sur CG tu peux par exemple trouver en PDF tous les livres et toutes les thèses éditées ces dernières années sur la Blax' et un bon paquet de fanzines américains, c'est la même logique de mettre à dispostion le boulot des autres sans leur accord.
on apprend aussi que le budget des ménages consacré à la culture n'a pas beaucoup augmenté et c'est une donnée qui n'est jamais mentionné par l'industrie musicale par exemple, on met tout sur le dos du piratage.
C'est normal que le budget des ménages lié à la culture diminue puisque tout est désormais disponible sur internet, la dernière génération vit à l'heure de la dématérialisation des médias.
La mise à disposition d'albums, parfois en très bonne qualité ne vas pas inciter les labels à faire des rééditions dans les règles de l'art.
Et oui, d'ailleurs les éditeurs eux-même le disent sur les forums spécialisés : en matière de réédition de films par exemple il y a des topics de request sur certains sites US qui permettent aux éditeurs d'échanger des suggestions avec les fans. On le voit dans nombre de réponses qui sont faites, "non, film trop risqué, c'est déjà disponible à doite et à gauche", "ce titre ne sera pas vendeur, trop piraté", etc.
Jean a aussi parlé de la promotion, en effet, le bouche à oreille si ça marche tant mieux mais si t'es un minimum sérieux, t'as prévu un budget et un plan de communication...
Quand tu édites des films rares, pour parler de ce que je connais le mieux, si tu t'appelles Synapse, Code Red, Scorpion Releasing, Raro, Blue Underground et j'en passe et des meilleurs, tu n'as pas besoin d'un budget promo, les médias concernés se tirent la bourre à longueur de journée pour te piquer le moindre scoop.
A noter enfin que le lien mécanique entre gratuité et chute des recettes trouve quand même un contre exemple flagrant avec les données sur les recettes de cinéma en salle, où on bat record sur record dans certains pays (en France en particulier) ce qui pour moi tient de l'inexplicable quand on voit que le prix d'un ticket avoisine parfois les 12 euros (si tu es en couple avec 4 gosses ca fait cher le Disney).
Une partie de ce succès est lié au buzz de la 3D, mais sinon le cinéma reste par excellence le divertissement familial le plus convivial. Généralement le week end tu as envie de sortir avec les enfants ou avec ta fiancée, le combo resto'/cinoche c'est la solution de facilité et justement à 12€ par personne ça reste le plaisir populaire le plus accessible du français moyen. Fais tes calculs, c'est moins cher que d'emmener ta smala à EuroDisney et avec un gros blockbuster comme Avatar ou Intouchables tu as plus de chance de faire plaisir à tous les membres de ta famille qu'avec un concert ou une pièce de théâtre. Et comme rien ne remplacera jamais la sensation de voir un film sur grand écran...