

Titres
A1 Ohio / Machine Gun 9:13
(Machine Gun – Jimi Hendrix)
(Ohio – Neil Young)
A2 Fire And Rain 5:29
(James Taylor)
A3 Lay Lady Lay 10:22
(Bob Dylan)
B1 Spill The Wine 6:32
(Dickerson, Miller, Brown, Scott, Oskar, Jordan, Allen)
B2 Nothing To Do But Today 3:42
(Stephen Stills)
B3 Cold Bologna 3:03
(Bill Withers)
Bill Withers : guitare
B4 Love The One You're With 3:40
(Stephen Stills)
Buck Clarke : congas
Crédits
Marvin Isley : basse
Chester Woodard : guitare solo, guitare rythmique
Earnest (Ernie) Isley : guitare solo, guitare rythmique
Milton Westley : orgue
Chris Jasper : piano
George Moreland : batterie, percussions
Gary Jones : congas
John Mosley : flûte
Enregistrement : Media Sound, NYC
Arrangements : George Patterson, The Isley Brothers
Production : O. Isley, R. Isley, R. Isley
Les Isley Brothers avaient mangé dans ce restau Italien du coin de la 9ème Avenue, à deux pas de là où ils étaient en train d'enregistrer sur la 57ème rue, aux Studios Mediasound. Ils s'accordaient rarement ce genre de pause rallongée, car l'heure de studio coûtait la peau des fesses et c'était leur propre maison de disques (T-Neck) qui casquait. Être devenus leurs propres patrons n'était pas une sinécure et il fallait faire attention aux dépassements de budget. Ronald avait l’œil à tout.
Mais à cause d'un réveil récalcitrant, ils avaient manqué le breakfast et ils avaient les crocs.
Seulement ce jour là, tout n'allait pas aller sur des roulettes et tout çà par la faute de Giacomo, cuistot de son état. Ronald, O'Kelly et Rudolph s'étaient lâchés sur des linguini al' vongole, des saltimbocca alla romana et pour le dernier un simple classique sous la forme d'une pizza boscaiola.
Hélas Giacomo était atteint d'un dérangement intestinal et en oubliant une seule fois de se laver les mains avant de retourner à ses fourneaux, il allait provoquer un cataclysme dans le monde de la soul et du funk.
Sur les coups de 15h après être revenus à Mediasound, les trois frangins quasiment simultanément commencèrent à ressentir les prémices de problèmes digestifs. Ils se dépêchèrent de graver les chœurs pour apporter la dernière touche à "Cold Bologna" sur laquelle ils avaient bossé le matin même. En effet la séance photo pour la pochette du nouvel album avait lieu à 17h15.
Hal Wilson, le photographe embauché pour l'occasion avait un planning super serré et la session devait absolument se tenir ce jour là. A son arrivée, il commença à mettre en place le matériel dans une salle attenante dans laquelle on avait déployé une toile peinte représentant un décor champêtre avec une ferme en bois... Les Isleys pensaient faire un truc un peu comme sur la pochette de The Brothers mais sans les robes de bure roses qui leur avaient valu quelques quolibets de la part de leurs fans.
Cette fois-ci ils avaient prévu la totale, avec des fringues sur mesure super funky et bariolées. Las, le scenario allait devoir être drastiquement revu.
17h25, les Isleys sont prêts et Hal remonte son Leica (à l’époque il fallait faire avancer la pellicule pour prendre un nouveau cliché ! Notes au djeunz du monde digital !)).
17h26 des morceaux de pizza mélangés à des fruits de mer et des lambeaux de veau le tout prédigéré volent dans tous les coins et retombent comme une salve sur les costumes immaculés des frangins. Oui, chose hallucinante, malgré tous leurs efforts et l'usage intensif de Pepto-Bismol, ils venaient de rendre leur repas simultanément, une chose jamais vue.
Le résultat : fringues inutilisables. Devant l'urgence de la situation et le peu de temps disponible, changement de plan. Hal envoya son assistant au magasin Woolworth juste à côté. En moins de 10mn celui-ci revint avec un t-shirt noir ‘Fruit of the Loom’, et deux vestes l'une blanche et l'autre sombre (Dans le rush il avait oublié de relever les mensurations pour les pantalons, raison pour laquelle ils sont cadrés au dessus de la ceinture).
Les Isleys avaient juste eu le temps de se débarbouiller. Cependant devant les mines de papier mâché, Hal décida de changer de pellicule et de passer au noir et blanc pour essayer de camoufler les mines grises.
Il finira même par faire un tirage sépia pour de meilleurs résultats.
Et voilà donc la raison pour laquelle cet album est le seul (sur 31) sur lequel ils arborent des fringues que vous et moi pourrions endosser! On peut constater les visages fermés des frangins encore sous le choc et prêts à envoyer une deuxième salve qui ne tardera pas mais juste après que Hal ait annoncé la fin de la séance..
Heureusement le résultat auditif ne laisse rien paraître de cette histoire!
Ce qui saute aux yeux lorsque l'on examine le contenu du LP c'est qu'aucun des titres n'a été composé par les Isleys (fait unique dans la discographie de la famille). Tous sont empruntés aux grands de la musique de l'époque... Bob Dylan, Neil Young, Jimi Hendrix, James Taylor, War, Stephen Stills ou encore Bill Withers. Le génie des frangins (en plus d'avoir un goût sûr qui leur a fait choisir des merveilles) est de se les ré-approprier de manière fantastique, que la base initiale soit rock ou soul.
Ohio / Machine Gun (Un orgue tout droit sorti de l'église épiscopale St Luke's du Bronx démarre le morceau qui porte le nom de l'état d'où sont originaires les Isleys. Ça continue en medley avec le génial morceau de Hendrix et son Band of Gypsys.
Les roulements de caisse claire militaires qui introduisent le morceau, l'orgue, la guitare en fond sonore tout concourt pour donner un air martial à ce protest song anti-militariste. Machine Gun arrive vers 5'40".)
Ohio / Machine Gun
Fire & Rain (Ballade poignante où Ronald se lamente sur le départ soudain et inopiné de sa copine Suzanne. Il en appelle au plus haut "But I always thought that I'd see you again...")
Lay Lady Lay (version torrentielle de plus de 10mn du tube de Bob Dylan... Une autre ballade épique... Mais cette fois-ci plus de message politique. Elle va prendre cher la 'lady'. Elle a intérêt à s'allonger au pieu et pronto... "His clothes are dirty, but his hands are clean, and you're the best thing that he's ever seen... Lay, lady, lay lay across my big brass bed... Keep your shoes off, lady relax yourself awhile..." Bob Dylan est gentil mais il ne pourra jamais rendre son morceau aussi sexy et hot que l'ami Ronald.)
Spill The Wine (Une intro Santanesque, latino à souhait, avec le grattement caractéristique du güiro Cubain (j'adore cette courge allongée crantée sur lequel on frotte un petit bâton), un truc bien déjanté comme pas mal de rythmes du groupe WAR auteur de ce titre.)
Nothing To Do But Today (Un tempo déjà nettement plus 'vivifiant'. Ronald part dans les aigus, dans les graves, "Must be some kind of fool, I'm a musician, I got nothin' to do but today... I am a blues man, I know when to leave"... les frangins martèlent le titre derrière... çà dépote!)
Cold Bologna (Ah le beau titre de Bill Withers uniquement dispo sous le titre 'Cold Baloney' sur le fameux double LP Live at the Carnegie Hall... d'ailleurs sur cette reprise on entend clairement 'cold baloney' dans l refrain plutôt que cold bologna. Un bon et mauvais souvenir pour les 3 frères qui le jour de l'enregistrement du morceau furent malades comme des chiens - voir plus haut-...)
Love The One You're With (Deuxième titre emprunté au répertoire de Stephen Stills, l'ex-mari de Véronique Sanson. J'adore ce morceau, peut-être mon préféré sur cet album)
Bon, amateurs de funk, passez votre chemin, le visuel du disque correspond bien au contenu et les Isleys sont presque dans le folk-soul plutôt que dans la Soul ou le Funk... Mais ce n'est pas un album raté loin de là. Une atmosphère laid-back, type 'allongé sur les bottes de foin de la ferme' avec un Ronald en pleine forme.